Homélie du 6-7 décembre 2025
Homélie 2ème dimanche Avent – Année A
Qu’as-tu fait de ton baptême ?
C’est la question que Saint Jean-Paul II posait à l’Eglise de France, lors de son voyage en 1980.
Je ne me prends pas pour le Pape…
Mais je me pose tout de même cette question, et je vous la partage : Qu’as-tu fait de ton baptême ?
L’Évangile d’aujourd’hui nous conduit au désert, là où retentit la voix de Jean Baptiste. Le désert n’est pas anodin : c’est l’endroit où l’on revient à l’essentiel, où tout bruit cesse. Et un cri déchire le silence.
Jean est un prophète, c’est à dire un « lanceur d’alerte ». Comme Isaïe que nous avons entendu en 1ère Lecture, il annonce que la venue du Royaume, qui est maintenant tout proche, passe par la justice, et par la conversion des cœurs. Son cri n’est pas un reproche, mais une secousse, une invitation urgente à revenir vers l’essentiel. Et si l’Église nous donne ce passage au début de l’Avent, c’est pour réveiller en nous une mémoire : la mémoire de notre baptême, c’est-à-dire de la marque de notre vie chrétienne dans nos gestes, nos choix, nos relations.
Baptême de conversion dans l’eau du Jourdain au temps de Jean, et baptême d’aujourd’hui. Que nous dirait Jean Baptiste s’il revenait dans le désert spirituel de notre monde ?
Jean baptise les foules dans l’eau du Jourdain. Ce baptême était un signe de purification, un geste de rupture avec le passé : le Seigneur va venir ; il faut lui préparer un passage.
Jean parle aussi avec sévérité aux pharisiens et aux sadducéens, c’est-à-dire à la classe religieuse et dirigeante : « Engeance de vipères ! Produisez donc un fruit digne de la conversion ! » Ces mots sont rudes ; ils visent un piège spirituel : celui de croire que l’on est en règle, que l’on n’a plus besoin d’être touché, bousculé, transformé. Eux disaient : « Nous avons Abraham pour père. » Nous, parfois, nous disons : « Je suis baptisé, je suis chrétien… »
Mais Jean répondrait : Montre-le à travers ta vie. Non pas pour être parfait, mais pour laisser la grâce de Dieu porter du fruit en toi.
Quel est le sens du baptême que nous avons reçu ?
Pour nous, le baptême reçu dans le Christ va beaucoup plus loin qu’un signe de purification : il fait de nous des fils et des filles bien-aimés du Père, il greffe notre vie sur la vie même de Dieu, il nous donne l’Esprit Saint. Il nous ouvre véritablement à l’amour, et nous détourne de notre : « moi, moi, moi d’abord ».
Et pourtant, nous avons tendance à vivre comme si cette source n’existait plus, comme si la grâce reçue un jour dans l’eau s’était évaporée.
Faire mémoire de notre baptême, ce n’est pas s’attacher au souvenir d’un évènement passé : une photo, une date, une médaille…
Le baptême, c’est une semence, une identité. Un choix fondamental que Dieu a fait pour nous : il a dit un jour sur chacun de nous, comme sur Jésus : « Tu es mon enfant bien-aimé. » Et cette parole ne s’efface pas. Même si nous connaissons des périodes d’éloignement, de lassitude, de colère ou de révolte ; le baptême demeure. Il est cet attachement profond entre Dieu et nous. Dieu reste fidèle, toujours.
Alors que nous dit Jean aujourd’hui ?
D’abord : convertis-toi. Ce mot fait parfois peur, mais il signifie peut-être simplement : change de direction, oriente ton cœur vers la lumière. Peut-être qu’un pardon est à donner. Peut-être qu’une habitude doit être déposée. Peut-être que la prière doit retrouver sa place dans ta vie.
Ensuite : ne crains pas d’être travaillé. Jean annonce quelqu’un de plus puissant que lui : Jésus, qui baptise dans l’Esprit Saint et le feu. L’Esprit Saint n’est pas une douceur abstraite : il brûle ce qui nous détruit, il éclaire ce qui est sombre. Le feu de l’Esprit vient pour nous purifier, pour faire en nous un espace plus vaste, plus vrai.
Et puis : souviens-toi que tu es porté. Le baptême fait de nous des membres d’un même Corps, celui du Christ. Nous ne marchons pas seuls. La communauté chrétienne, la paroisse, n’est pas un groupe de gens parfaits, mais une famille de baptisés en chemin, qui se soutiennent mutuellement. Le Seigneur nous rassemble en communauté pour que nos différences ne soient pas des murs, mais des ponts, pour que nos dons se complètent, pour que nos faiblesses deviennent des lieux de miséricorde et de pardon.
Jean nous parle aussi de l’avenir : la pelle à vanner qui sépare le grain de la paille. Jésus vient pour séparer en nous ce qui est vivant de ce qui est stérile. La pelle à vanner, c’est le geste du paysan qui libère le bon grain de la poussière. Parfois, nous nous sentons un peu mélangés : du bon et du moins bon, du courage et des fragilités. Jésus ne jette pas tout : il discerne, il sauve, il purifie. Il croit en ce qu’il y a de meilleur en nous.
L’Avent est ce temps privilégié où nous pouvons laisser l’Esprit défricher un chemin en nous. Et, si nous avons oublié la force de notre baptême, la célébration pénitentielle qui nous est proposée cette semaine va nous aider. L’Évangile nous dit : ton baptême vit toujours. Il n’attend qu’une chose : que tu le laisses rayonner, pour la paix et pour la réconciliation.
Alors, nous sommes invités à trois démarches personnelles simples jusqu’à Noël :
Relire notre baptême dans la prière : remercier Dieu pour cette grâce première, même si notre vie est cabossée,
Demander à l’Esprit Saint de réveiller ce qui dort en nous : la joie, la confiance, le désir de vivre autrement,
Faire un geste concret de conversion : un pardon, un renoncement, un service, un acte qui ouvre le chemin.
J’en ajouterai une quatrième, qui est collective : prendre soin des jeunes baptisés, et de leur famille. Ces néophytes, ces jeunes pousses, sont pleines d’avenir, mais elles sont fragiles ; elles ont besoin du bon terreau de la vie communautaire, et de la bonne lumière de l’amitié pour pousser et grandir. Prenons soin des jeunes baptisés et confirmés que nous connaissons. C’est notre responsabilité de les aider à grandir.
Que Jean Baptiste nous apprenne l’audace d’un cœur vrai.
Et que le Seigneur, lui, fasse de nous des baptisés lumineux, debout, disponibles pour sa venue. Amen
Emmanuel Mériaux
