Éditorial de Mgr Laurent Percerou
Nous nous rassemblons le mercredi des Cendres pour entrer en carême. Nos fronts sont alors marqués de cendres et le Seigneur nous interpelle : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » Nous voilà donc embarqués vers Pâques pour, pendant 40 jours, changer nos cœurs et entrer à frais nouveaux dans la dynamique de l’Alliance.
Les cendres sont le reste d’un bois qui, en brûlant, a donné chaleur et lumière. Ce bois, avant de se consumer, a eu toute une histoire : de la germination à la floraison, de saison en saison jusqu’au passage par le feu. Le Christ a été cet Arbre de vie dont l’histoire au milieu des hommes a été traversée par une seule et même sève, celle de l’Esprit Saint qui l’a poussé à témoigner de l’amour de son Père et à appeler sans cesse à la conversion des cœurs. On a voulu le réduire en cendres, comme on brûle un arbre qui fait obstacle à la volonté des hommes… Ces cendres reçues sur le front sont alors les cendres de cet Arbre de vie brûlé pour répandre la vie de Dieu comme un feu…
Alors, recevoir les cendres, c’est être appelé à brûler du feu de la charité. Ne désigne-t-on pas les couples et les familles par le joli nom de « foyers » ? Et qu’est-ce qu’un foyer sinon l’endroit où l’on fait du feu et autour duquel on se rassemble. Je pense à vous, les parents, les grands-parents, les enfants. Que ce carême soit l’occasion de raviver en votre foyer le grand feu de l’amour de Dieu. Mais le foyer, c’est aussi notre paroisse et tous ces lieux où nous vivons et qui doivent briller du grand feu de l’amour de Dieu pour rassembler tous ceux qui ont froid, qui sont seuls, qui ont besoin d’amitié. Saurons-nous allumer ce feu de la charité durant le carême ?
Appelé à brûler du feu de la charité… « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ». Comment ne pas donner quand on a tellement reçu des autres ? Quand on a tant reçu de Dieu ? Le carême est le temps du don : don pour Dieu, don pour les frères.
Que pouvons-nous donner à Dieu ? Nous pouvons lui donner du temps, notre temps, pour durer devant lui et nous exposer à la chaleur de son feu, comme Moïse au buisson ardent. Pour nous remettre devant l’alliance d’amour qu’il est venu conclure avec nous. Durant les 40 jours de carême, l’Église nous invite à passer du temps en sa présence et à renouer l’Alliance. La prière nous remet devant ce Dieu, source gratuite de vie, d’amour et de joie. Dans la prière nous recevons de lui sa tendresse et sa fidélité et nous lui demandons la grâce de donner à nos frères.
Que pouvons-nous donner à nos frères ? Nous-mêmes… Le pape François nous le rappelle dans son message pour ce temps de carême 2022 : « Mettons en pratique l’appel à faire le bien envers tous en prenant le temps d’aimer les plus petits et les sans défense, les abandonnés et les méprisés, celui qui est victime de la discrimination et de la marginalisation. » Le carême, c’est alors 40 jours pour voir plus clair dans nos affaires afin de ne pas bâtir notre vie sur des valeurs qui creusent encore un peu plus le fossé qui sépare les riches des pauvres.
Ce choix profond de vivre le partage nous amène à agir sur les causes de la misère, car il faut aussi dénoncer et changer ces « structures de péché » que Jean-Paul II dénonçait en son temps. Que pouvons-nous faire ? Déjà mettre en œuvre chez nous un mode de vie qui favorise le partage et l’éducation à la charité et que nous n’hésitions pas à en témoigner même si cela va parfois à contre-courant.
Oui, « Convertissons-nous et croyons à la Bonne Nouvelle », une conversion personnelle et une conversion communautaire. Que nos vies ne soient pas un morceau de bois mort mais qu’elles se laissent consumer par le feu de la charité du Christ afin de donner la vie. Là est la Bonne Nouvelle de Pâques.
Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 123 – mars 2022