Se convertir à la mission
Se convertir à la mission, une nécessité pour tout disciple du Christ
Le pape François appelle régulièrement l’Église à redécouvrir sa nature missionnaire. La mission n’est pas une activité optionnelle. Bien au contraire, chaque communauté, chaque baptisé doit se sentir concerné. Ce qui appelle à une conversion.Dominique Greiner, prêtre assomptionniste, rédacteur en chef au journal La Croix, 30/09/2021
« J’espère que toutes les communautés feront en sorte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour avancer sur le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont », écrit le pape François dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium (La Joie de l’Évangile, § 25). Ce texte, qui est un programme pour toute l’Église, interpelle les chrétiens pour qu’ils entrent dans une nouvelle dynamique missionnaire.
Revenir au cœur de l’Évangile
Le défi est de taille pour des communautés chrétiennes parfois fatiguées et déclinantes. Il est si facile de se réfugier derrière les difficultés du temps pour ne rien faire ou ne rien changer dans ses habitudes pastorales. « Certaines personnes ne se donnent pas à la mission, car elles croient que rien ne peut changer et pour elles, il est alors inutile de fournir des efforts », observe le pape (EG § 275). La conversion missionnaire est un appel à rompre avec le pessimisme, le fatalisme, la méfiance.
C’est surtout un appel pour que l’Église soit fidèle à son identité la plus profonde. Elle ne peut être autrement que missionnaire parce que c’est sa nature même, ainsi que le précise le décret conciliaire sur l’activité missionnaire de l’Église : « De sa nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père » (Ad Gentes, n° 2).
Inviter l’Église à redécouvrir sa nature missionnaire et à en tirer les conséquences pour ses activités apostoliques, n’est pas une option pastorale parmi d’autres, insiste le pape François. La mission n’est pas un choix qui relève de l’homme mais c’est un appel qui vient de la Parole de Dieu elle-même (cf. EG § 271) et qui renvoie à une manière de comprendre l’Église qui « a son fondement ultime dans la libre et gratuite initiative de Dieu » (EG 111). L’Église est fidèle à sa nature quand elle se reconnaît dépendante de l’action de Dieu qui la fonde et quand elle épouse le mouvement d’abaissement de Dieu vers l’humanité pour devenir servante. Le thème d’une Église en sortie, si cher au pape François, n’a donc rien d’accessoire. Il a sa source dans ce que la foi chrétienne a de plus fondamental, à savoir l’abaissement du Fils dans le mystère de l’Incarnation.
Une Église servante
« La communauté évangélisatrice, par ses œuvres et ses gestes, se met dans la vie quotidienne des autres, elle raccourcit les distances, elle s’abaisse jusqu’à l’humiliation, et assume la vie humaine, touchant la chair souffrante du Christ dans le peuple. Les évangélisateurs ont ainsi “l’odeur des brebis” » (EG 24). L’Église est missionnaire en se faisant proche, en s’impliquant, en se mettant à genoux, à la suite du Maître, devant les autres, pour leur laver les pieds. Elle est missionnaire dans la mesure où elle annonce en actes l’amour et la miséricorde de Dieu. « Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ », écrit encore le pape (EG 49). L’appel à la conversion missionnaire n’est donc rien d’autre qu’un appel à la conversion au Christ Jésus et à son Évangile qui doit se traduire dans des pratiques pastorales inspirées par le mouvement de sortie de Dieu et de son abaissement dans le Fils.
« La sortie de l’Église se rapporte ainsi à un nouveau départ spirituel, à un appel aux fidèles du Christ que nous sommes pour une nouvelle étape de l’évangélisation. Il s’agit de rencontrer le Christ, d’expérimenter la joie de cette rencontre, et cette joie caractérise le serviteur de l’Église (cf. EG 1) », commente le théologien George Augustin (1). L’Église, pour être missionnaire, ne doit donc pas être centrée sur elle-même. Une communauté préoccupée avant tout par sa survie ou son image ne peut que perdre son dynamisme. « Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures », écrit le pape (EG 49). C’est aussi pourquoi la conversion des finalités appelle aussi une conversion des moyens. Une Église « en état permanent de mission » (EG 235) est une Église qui accepte de s’interroger sur ses propres fonctionnements, de remettre en cause ses usages, ses pratiques, ses habitudes, ses horaires, ses cadres, ses institutions hier utiles, mais peu adaptés, voire contre productifs aujourd’hui dans le service de l’Évangile. « N’ayons pas peur de les revoir », écrit François (EG 43) qui invite « à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de nos communautés » (EG 33).
Toute l’Église et tous les baptisés
« L’action missionnaire est le paradigme de toute tâche de l’Église », écrit encore le pape François (EG 15). C’est elle qui donne son orientation à tous les plans pastoraux, fournit ses critères à une communauté lorsqu’elle fait des choix apostoliques. L’Église, en conséquence, doit se penser, se structurer, se vivre comme missionnaire. Toute activité ecclésiale, même la pastorale ordinaire (la prédication, la célébration des funérailles, l’accueil des familles…) doit avoir une orientation missionnaire.
Le tournant missionnaire affecte en profondeur toute la vie de l’Église. « Il ne s’agit pas simplement de sortir physiquement pour aller sur un autre terrain. Il s’agit pour l’Église, de sortir de son monde (ses programmes, son organisation, ses règles, son langage), de son système autoréférentiel, et de vivre décentrée par rapport à elle-même afin de trouver son centre dans ce que Dieu fait et dans l’humanité vers laquelle elle est envoyée », précise le Conseil communautés et ministères de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (2).
La conversion missionnaire est un appel à vérifier dans quelle mesure nos pratiques sont vraiment missionnaires et à les réviser en conséquence. « Il ne s’agit donc pas de créer, à côté ou en marge de nos programmes ou activités actuelles, un volet missionnaire à destination de ceux qui ne connaissent pas le Christ, commentent les évêques du Québec. Il s’agit de convertir l’ensemble de l’activité pastorale, la rendant plus missionnaire » (3).
Les parcours de préparation aux sacrements – baptême, mariage… – doivent devenir des itinéraires d’initiation chrétienne capables d’impliquer activement, non seulement les personnes concernées, mais les membres de la communauté chrétienne. L’évangélisation est en effet de la responsabilité de tous. Le tournant missionnaire de l’Église appelle à une mobilisation de tous les membres du peuple de Dieu pour en faire de véritables protagonistes de la vie de l’Église.
« En vertu du baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple-missionnaire. Chaque baptisé, quels que soient sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes “disciples” et “missionnaires”, mais toujours que nous sommes “disciples-missionnaires”, écrit le pape François (EG 120). « Disciple-missionnaire » : avec un trait d’union pour signifier que la condition de missionnaire est celle de tout disciple du Christ. Ceci ne va pas sans exigence, notamment en termes de formation. Le pape désigne deux lieux essentiels de cette formation : la parole de Dieu et les pauvres. Deux lieux qui renvoient à la personne du Christ-Maître, que doivent fréquenter les disciples-missionnaires.